L’Afrique intéresse les pays émergents

Les Afriques

Encore loin derrière le Royaume-Uni, les Etats-Unis et la France, les pays émergents investissent à leur tour. L’offensive de la Chine est spectaculaire. C’est sans compter avec l’Inde, l’Afrique du Sud ou les Etats du Golfe.

L’Afrique serait-elle en passe de devenir la 23ème province chinoise ? Forte du succès de ses zones économiques spéciales (ZES), à l’exemple de Shenzhen près de Hong-Kong, la Chine s’active auprès des gouvernements africains depuis quelques mois, en vue de transposer son modèle sur le continent noir. Quatre zones ont été identifiées et « au cours des trois prochaines années, ce sont neuf autres zones qui devraient être créées, avec l’appui de la China Exim Bank », indique Martyn J. Davies, directeur exécutif du Centre for Chinese Studies (CCS), à l’Université de Stellenbosch en Afrique du Sud.

Offrant des facilités d’investissement et d’exportation aux entreprises chinoises, la première ZES se situe à Chambishi en Zambie, « la ceinture de cuivre du pays ». La Chine a prévu d’y consacrer 900 millions de dollars. La continuité des activités des compagnies minières chinoises opérant en Zambie devrait être assurée par la création d’une autre ZES en Tanzanie, avec pour vocation le transport maritime. Maurice, de son côté, se prépare à accueillir une quarantaine de sociétés manufacturières chinoises tournées vers l’exportation. La quatrième zone devrait se situer au Nigeria. Dans le pays, China National Offshore Oil Corp (CNOOC) a déjà effectué l’un de ses plus gros investissements à l’étranger avec l’acquisition, en 2006, de 45% d’un champ pétrolier offshore, pour 2,2 milliards de dollars.

Si la Chine se veut rassurante quant aux suites économiques et politiques éventuelles de sa présence en Afrique, c’est que son appétence pour les ressources naturelles du continent est considérable. Selon la Cnuced, la Chine a cumulé 1,6 milliard de dollars d’investissements directs, fin 2005, à destination première du Soudan, de l’Algérie et de la Zambie. En termes de flux, les IDE chinois sont passés de 30 millions de dollars en 2002 à près de 400 millions en 2005, avec un mode d’entrée qui privilégie la constitution de joint-venture. Des chiffres qui sous-évaluent très vraisemblablement la réalité, si l’on considère l’accélération des opérations chinoises sur le continent ces derniers mois. L’offensive est spectaculaire. Il y a le pétrole bien sûr (CNOOC, CNPC, Sinopec), le secteur minier (China Minmetals Corporation, Sinosteel), mais aussi l’industrie manufacturière, les télécommunications ou la construction (China State Construction & Engineering Corporation, China Harbour Engineering Company). Aujourd’hui, les sociétés chinoises remportent près de la moitié des contrats publics dans le secteur de la construction en Afrique, indique l’OCDE, aidées en cela par des prix 20 à 30% inférieurs à ceux proposés par leurs concurrents occidentaux.

L’Inde vise aussi les matières premières

La Chine n’est pas la seule à faire montre d’une telle fringale. La Malaisie détient des participations conséquentes, via la compagnie pétrolière Petronas. Mais si la Chine semble plus « agressive » dans sa politique commerciale et d’investissement à l’égard de l’Afrique, voire occuper davantage le terrain médiatique, son efficacité ne doit pas occulter la place prépondérante occupée par les entreprises à capitaux indiens. Depuis de nombreuses années, l’Inde entretient des relations privilégiées avec plusieurs pays africains, tels Maurice, le Kenya et l’Afrique du Sud. Les entreprises indiennes sont actives dans l’industrie manufacturière et les services. Le groupe diversifié Tata, par exemple, est présent dans une dizaine de pays africains et envisage d’investir directement près de 50 millions de dollars sur le continent au cours des trois prochaines années. En 2006 et 2007, de nouveaux projets ont notamment été initiés en Afrique du Sud (ferrochrome, télécommunications, automobile), en Ouganda (usine de café soluble) et en Zambie (centrale électrique). « Mais ce qui est nouveau, depuis deux ou trois ans, c’est que l’Inde s’intéresse, à son tour, aux richesses du sous-sol africain », souligne Stephen Gelb, directeur du Edge Institute à Johannesburg, centre de recherches indépendant sur les politiques économiques en Afrique. Ainsi, Arcelor Mittal, le géant mondial de l’acier, qui souhaite faire de l’Afrique de l’Ouest « un pôle majeur » pour ses approvisionnements en fer, a signé un accord en février dernier pour l’exploitation de minerais dans la région de Faleme, dans le sud-est du Sénégal. Le groupe, contrôlé par le magnat indien Lakshmir Mittal, est déjà très actif dans la production d’acier sur le continent, via ses filiales en Afrique du Sud et en Algérie.

L’autre pôle majeur d’investissements est l’Afrique du Sud. « A la différence de la Chine qui est plutôt dans une logique commerciale, de réexportation, l’Inde et l’Afrique du Sud visent davantage les marchés locaux, encouragées par les politiques de déréglementations», précise Stephen Gelb. Des mesures libératoires qui concernent l’Afrique du Sud elle-même, puisque cette dernière a vu la levée complète du contrôle des changes portant sur les flux d’IDE à la fin 2004 seulement. C’est la grande diversité géographique et sectorielle qui caractérise les investissements sud-africains sur le continent : secteur minier, bâtiment, infrastructures, énergie, banques, télécommunications, distribution, etc.

L’afflux des capitaux arabes en Afrique du Nord

Autre tendance très récente : l’afflux massif de capitaux provenant d’Etats du Golfe, à destination de l’Afrique du Nord. L’envolée du prix du baril a gonflé les réserves financières des Emirats arabes unis (EAU), du Koweït, de Bahreïn et du Qatar, qui cherchent aujourd’hui à recycler l’argent du pétrole. « Aux Etats-Unis et en Europe, il y a une légère hostilité à l’égard des investisseurs du Golfe. L’hospitalité est plus grande dans les pays arabes comme le Maroc ou l’Egypte », indique Waleed Al-Fehaid, président du Consortium Maroco-Koweitien de Développement (CMKD). Le Consortium, détenu à 84% par l’Etat du Koweït, vient de lancer les travaux de construction de plusieurs résidences touristiques à la station Ghandouri, dans la baie de Tanger. Coût du projet : entre 20 et 22 millions d’euros.

Dans les secteurs touristiques et immobiliers, au Maroc et en Tunisie, les montants annoncés sont colossaux. Ce sont les capitaux émiratis qui alimenteraient l’accroissement des flux à destination de ces pays en 2006, souligne le Réseau euro-méditerranéen des agences de promotion des investissements (Anima). Selon l’observatoire Anima-Mipo, les Emirats représenteraient 30% des 5,4 milliards d’euros annoncés en 2006 vers le Maroc, tandis qu’ils fourniraient 80% des 3,8 milliards d’euros à destination de la Tunisie.

Ainsi, au Maroc, Al Qudra ambitionne d’investir 2,7 milliards de dollars sur 10 ans, Dubaï Holding effectue actuellement la mise en valeur de la vallée du Bouregreg pour 2 milliards de dollars, tandis qu’Emaar, autre société émiratie, devrait consacrer 1,55 milliard de dollars dans l’aménagement de la corniche de Rabat.

Effets d’annonce ? D’après les données préliminaires de l’Office des changes marocain, les IDE des pays du Golfe réalisés au Maroc en 2006 se montent à environ 195 millions d’euros, dont près de 68 millions pour les EAU, c’est-à-dire vingt fois moins importants que ceux affichés. L’avenir dira si le mouvement se confirme, auquel cas, les pays du Golfe pourraient concurrencer très fortement les investisseurs français et espagnols dans le Royaume.

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