Quel avenir pour l’éolien en Afrique?
African Business
Pétrole trop cher, lutte contre le réchauffement climatique, développement de l’offre énergétique : l’éolien a aussi ses adeptes en Afrique. Balayées par les vents, les pointes Nord et Sud du continent recèlent des gisements substantiels. Le Maroc est le plus avancé, qui vise 13% de la production électrique totale à l’horizon 2012.
Tandis que les leaders mondiaux du secteur de l’énergie éolienne (Vestas, GE Wind, Suzlon, et plus récemment Areva et Alstom) se disputent un marché prometteur, négligé il y a encore une quinzaine d’années, le débat du recours aux énergies renouvelables sur le continent africain se pose avec plus d’acuité. Avec un baril à plus de 90 dollars, la facture pétrolière se montre salée pour les pays dépourvus de combustibles fossiles. Le Maroc, notamment, est tributaire des importations en produits pétroliers à 95% pour son approvisionnement énergétique, indique le Centre de développement des énergies renouvelables (CDER).
Par ailleurs, le réchauffement climatique pointé du doigt par la communauté scientifique mondiale est désormais inscrit dans l’agenda politique de la majorité des pays développés, ayant ratifié le protocole de Kyoto (à l’exception notable des Etats-Unis et de l’Australie). Pour ces pays, l’obligation de réduction des gaz à effet de serre (GES) trouve un écho favorable au sein des pays en développement, susceptibles de générer des crédits carbone, via le Mécanisme de Développement Propre (MDP). C’est notamment le cas de l’Afrique du Sud, dont l’électricité provient à 70% du charbon (contre 40% en moyenne) et donc fortement émettrice de CO2.
Outre la dépendance énergétique et l’impact environnemental, le manque de réseaux en Afrique milite en faveur des énergies renouvelables, notamment le « petit éolien » pour l’électrification rurale. Paradoxalement, c’est l’existence d’un réseau électrique consistant qui donne tout son sens économique à des projets éoliens de grande envergure.
Si elle n’est pas la panacée, « l’énergie éolienne est une source alternative à intégrer et à développer pour ralentir les émissions de GES », indique Richard Legault, président de la société canadienne Hélimax, cabinet conseil en énergie éolienne. Il faut dire aussi que le coût de production a drastiquement diminué ces vingt dernières années pour atteindre environ 0,05 euro par kWh. «Aujourd’hui, le coût par kWh de l’électricité produite à partir de l’éolien est quasiment au même niveau que celui de l’électricité produite à partir du gaz », estime de son côté Arne Lorenzen, vice président et directeur du pôle énergie de la société française Theolia. Le gaz est perçu comme l’énergie « relais » la plus adéquate en cas d’absence de vent. Le stockage de l’énergie éolienne est considéré comme encore peu compétitif aujourd’hui. Pour autant, « la question de l’intermittence de l ‘éolien, jusqu’à un certain point, est un faux débat », considère Richard Legault.
Le recours à l’éolien à grande échelle, sur l’ensemble d’un territoire, permet d’avoir une certaine constance dans la production nationale d’électricité. Les outils de prédiction sont là également pour planifier à 48-72 heures ce que sera la production d’énergie éolienne et donc les systèmes relais à mettre en place, que ce soit l’hydroélectrique, le gaz ou le charbon.
L’éolien au Maroc parmi les plus gros potentiels au monde
Sur le continent africain, Hélimax relève la présence de gisements éoliens substantiels dans la région Nord, à partir de Saint Louis du Sénégal jusqu’en Egypte, en passant par la Mauritanie, le Maroc, l’Algérie, la Tunisie et la Libye. Mais pour l’heure, l’éolien est exploitable et rentable véritablement au Maroc, en Tunisie et en Egypte, seulement. « En Mauritanie, le réseau électrique n’est pas assez dense. Pour ce qui est de l’Algérie et de la Libye, ces deux pays, grâce au pétrole sont autosuffisants sur le plan énergétique. L’éolien est moins intéressant », souligne Richard Legault. On estime à 1,5 million d’euros le montant d’investissements nécessaires par mégawatt installé.
Le Maroc, surtout, dispose d’un potentiel très attrayant. Selon Arne Lorenzen, le Maroc peut compter sur près de 4 000 heures de fonctionnement par an, soit quasiment le même niveau que le Brésil et le double des capacités techniques observées en Allemagne, pays leader au monde pour la puissance installée (20 600 MW, soit 28% de la capacité mondiale). D’ailleurs Theolia ne s’y est pas trompé, qui a racheté, en septembre dernier, 84,5% des parts de la Compagnie Eolienne du Détroit (CED), détenues par le groupe EDF. Située à Tétouan, la CED dispose du parc éolien le plus important dans le royaume, soit 84 éoliennes pour une puissance totale installée de 50,4 MW. La société française, basée à Aix en Provence, et active en Europe, en Inde et au Brésil, a choisi le Maroc, comme tête de pont de son développement dans les marchés émergents, via sa nouvelle structure Theolia Emerging Market (TEM). « Les marchés émergents sont dans une phase initiale d’exploitation de l’énergie éolienne (…) La mise en place de financements liés au mécanisme d’émission de crédits carbone va permettre d’accélérer le développement de l’éolien dans ces pays », explique Arne Lorenzen. D’ici 2011, TEM compte installer 600 MW supplémentaires dans les marchés actifs, principalement en Inde, au Brésil, au Maroc. Dans le royaume, TEM est également sur la « short list » des dix soumissionnaires retenus pour la construction du parc éolien de Tarfaya (200-300 MW). Et même le groupe diversifié Chaâbi s’y met, en annonçant récemment des investissements de l’ordre de 70 millions d’euros dans deux parcs éoliens, livrables d’ici 2009 (puissance totale de 70 MW). A l’horizon 2012, le Maroc table sur une production de 13% à partir du vent, grâce à une capacité totale installée de 1300 MW.
Sur le reste du continent, Theolia examine des projets en Egypte, en Tunisie, en Namibie et en Afrique du Sud. Dans ce dernier pays, la part de l’énergie éolienne est encore minime, malgré les conditions favorables, notamment les côtes venteuses du Western Cape. L’arbitrage coût économique n’est pas en faveur de l’éolien. Selon National Utility Service (NUS), l’Afrique du Sud est le pays où l’électricité est la moins onéreuse au monde, à 0,027 euro le kWh, contre 0,098 en Allemagne et 0,1714 pour le Danemark (pays le plus cher et 5ème en termes de capacité installée pour l’éolien). Et si l’Afrique du Sud s’engage, elle aussi, en faveur des énergies « propres », elle fait plutôt le choix du nucléaire. Le Maroc également y réfléchit. Se pose alors un autre débat, celui de la gestion des déchets.
Pays
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Capacité installée
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Maroc
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124 MW
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Egypte
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123 MW
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Tunisie
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22 MW
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Libye
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20 MW
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Afrique du Sud
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8,65 MW
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Erythrée
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750 kW
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Namibie
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220 kW
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