Le Maroc, labo test de l’immigration circulaire en Europe
Marchés Tropicaux
Saisonnières marocaines à Huelva (photo Christelle Marot)
Depuis deux ans, le Maroc expérimente l’immigration circulaire à destination de l’Espagne, en envoyant des travailleurs temporaires pour pallier aux pénuries de main d’oeuvre locale, notamment dans les secteurs agricoles, du BTP, des services domestiques ou de l’hôtellerie-restauration. L’enjeu : faire en sorte que cette expérience pilote puisse ensuite être généralisée à d’autres pays européens, en particulier la France et l’Italie. La clé du succès ? Garantir le retour des migrants dans leur pays d’origine.
Démarrée dans la province de Huelva (Andalousie), l’opération fait des émules. Les contingents de travailleurs saisonniers agricoles marocains ont ainsi été doublés pour atteindre 11 000 personnes lors de la prochaine campagne 2007/2008, principalement centrée sur la cueillette de la fraise.
Il faut dire que depuis l’entrée dans l’Union européenne des Ex-pays de l’Est, il est plus facile pour leurs ressortissants de circuler. D’autres destinations comme l’Allemagne et d’autres métiers plus rémunérateurs sont prisés. Aussi dans le sud de l’Espagne, les contingents polonais et roumains se tarissent et la main d’oeuvre marocaine est forcément la bienvenue. Pour les travailleurs marocains, l’affaire est une aubaine. Rémunérés au Smig local, ils peuvent empocher en trois-quatre mois l’équivalent d’un an de revenus au Maroc.
Originaire du Moyen Atlas, Abdelhadi est électricien. Il gagne environ 40 euros par semaine. En Espagne, pour la cueillette de la fraise, son salaire peut grimper jusqu’à 450 euros par quinzaine, c’est-à-dire plus de cinq fois ce qu’il gagne au pays. L’année dernière, une fois son contrat achevé, Abdelhadi a joué le jeu en acceptant de rentrer au Maroc et de se faire enregistrer auprès des autorités consulaires espagnoles. Devenu répétiteur, il fait donc partie de ces migrants légaux, autorisés temporairement, à venir travailler de façon régulière dans la province andalouse. Avec la mise en place de ce système contractuel entre le Maroc et l’Espagne, « le nombre de travailleurs clandestins dans le secteur agricole de la province de Huelva a quasiment disparu », se réjouissent les autorités espagnoles. Lesquelles ne se cachent pas de privilégier des candidatures féminines, ayant une charge familiale ; une façon de s’assurer que le migrant sera plus enclin à rentrer chez lui. Ailleurs en Espagne, Grupo Vips, dans le secteur de la restauration, table sur 2 000 recrutements temporaires de travailleurs marocains sur la période 2007-2011.
L’Anapec, équivalent marocain de l’ANPE en France, est la clé de voûte du système. Appuyée par l’Union européenne, l’Agence est chargée de vérifier les offres d’emploi étrangères, transitant par les canaux consulaires, et de présélectionner les Marocains candidats au départ. La sélection finale revenant à l’employeur. Elle s’attache également à former et sensibiliser les candidats au retour.
Cette année, l’Anapec est également intervenue pour la présélection « anonyme » de quelques 400 ouvriers agricoles à destination de la Haute Corse, en lien avec les institutions françaises. Car étrangement, le taux de non retour des travailleurs marocains atteint 70% en Corse, contre 10% sur le continent. De là, à vanter les charmes du maquis corse. Désormais anonyme, la procédure invite l’employeur corse à déposer son offre d’emploi auprès de l’ANPE, puis autorise le recrutement au Maroc parmi des postulants retenus par l’Anapec, si l’offre n’est pas pourvue sur le territoire français. Là encore, les candidats ayant une charge familiale sont privilégiés. Si preuve est faite de son efficacité, cette nouvelle approche pourrait se généraliser à l’ensemble du territoire.
Outre l’Espagne et la France, l’Italie est courtisée. Avec l’entrée en vigueur en juillet dernier du protocole exécutif de l’accord de main d’oeuvre, signé en 2005 entre les deux pays, les employeurs italiens peuvent désormais recruter des ressortissants marocains, en cas d’insuffisance de la main d’oeuvre locale. Les secteurs de l’hôtellerie-restauration, du BTP, de la mécanique et de la maintenance devraient être particulièrement concernés. Le système actuel de recrutement direct par les entreprises italiennes devant laisser place à l’instauration d’une « bourse à l’emploi », où offres et demandes seront confrontées.