Confidences de Jean-Pierre Elong-Mbassi

Jeune Afrique

J.P-ELONG-

L’urbaniste camerounais, secrétaire général de Cités et gouvernements locaux unis d’Afrique (CGLUA), n’est jamais à court d’arguments pour rappeler le rôle central des villes.

 

Quels sont les enjeux de l’urbanisation en Afrique ?

Jean-Pierre Elong-Mbassi : L’Afrique est le continent qui s’urbanise le plus rapidement en ce moment, avec un taux de 7% par an en moyenne dans certains pays, notamment sur la façade atlantique et en Afrique australe. Dans ces régions, les villes vont doubler leur population tous les 10 ans.

Jusqu’à présent, les autorités n’ont pas pris la mesure de ce que cela signifiait. Elles ont envisagé le phénomène d’urbanisation comme un échec du développement rural.

Pourtant, l’urbanisation est un horizon naturel, les habitants se sont toujours agglomérés. Cela donne des opportunités. Il est important que les décideurs le comprennent. La vision de l’Afrique à vocation agricole  est une vue romantique, qui n’a rien à voir avec la réalité.

Face à la croissance urbaine, quelles sont les urgences ?

La croissance urbaine africaine est pratiquement équilibrée, entre les petites villes, les villes moyennes et les grandes villes. Mais la trop grande attention donnée aux grandes agglomérations va créer des problèmes importants. Il y a là un enjeu politique majeur que nos politiciens ne perçoivent pas car ils s’occupent de politiques politiciennes.

Par-dessus tout, dans la tête des gens, l’urbanisation doit s’accompagner de l’entrée dans la modernité. Or, la manière dont l’urbanisation est gérée aujourd’hui en Afrique fait que pour beaucoup c’est une régression. Les conditions de vie de la majorité de la population sont pires que dans les villages. Ce découplage entre urbanisation et modernité est un drame.

La plupart des pays africains ne gèrent pas l’occupation des sols, dont 90% est occupé de façon anarchique. Les bidonvilles sont un aveu d’incapacité de nos Etats. La première chose à faire c’est mettre de l’ordre urbain. C’est économiquement beaucoup plus efficace que laisser les gens s’installer n’importe comment.

Faut-il faire payer l’occupation du sol ?

Il ne s’agit pas de créer un marché foncier excluant, mais un marché payant tout de même. La ville se paie et il ne faut pas que ce soient les paysans qui règlent la note.

Ne rien faire payer du tout, c’est avoir des villes sous-équipées. La ville doit être un moteur économique. Savez-vous que la presqu’ile de Manhattan à New York a une valeur supérieure en termes monétaire à toutes les villes africaines ?

En Afrique, nous ne valorisons pas les bâtiments. Pour rendre ce capital vivant, il faut que les mutations soient enregistrées, que la valeur construite sur les terrains soit enregistrée.

Pour amorcer le développement économique de notre continent, le rôle de la ville est irremplaçable.

De quels moyens les collectivités locales doivent-elles disposer ?

Dans les pays du nord, les collectivités locales gèrent 75% des ressources publiques. Dans les pays africains, cela est inférieur à 5%. Pour crédibiliser la décentralisation et la rendre efficace, l’Etat africain devrait accepter d’attribuer une part raisonnable de ses ressources publiques. Il faudrait doubler la part des collectivités locales dans la dépense publique dans les 15 ans à venir.

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