Le palmarès des investisseurs étrangers

L’Express

La France reste largement en tête, suivie de l’Espagne et des Emirats arabes unis. Après une forte baisse liée à la crise, les opérateurs reviennent dans un pays qu’ils jugent plein de promesses.

Après deux ans et demi de baisse consécutive, liée au ralentissement économique mondial, les investissements directs étrangers (IDE) au Maroc devraient repartir à la hausse, à la faveur de belles opérations récentes.

« Nous sommes dans le creux de la courbe, analyse Fathallah Sijilmassi, directeur de l’Agence marocaine de développement des investissements (AMDI). Le repli observé ces derniers mois s’explique par le recul de nos trois partenaires et investisseurs principaux, que sont la France, l’Espagne et les Emirats arabes unis (EAU). La crise a en particulier touché les investissements dans l’immobilier et le tourisme ». Ce trio de tête a représenté 60% des IDE en 2009. Toujours selon Fathallah Sijilmassi, les investissements étrangers dans le secteur du tourisme où ils représentent un quart du total, reviennent et se diversifient : opérateurs égyptiens dans les provinces du sud, investisseurs russe et américain à Tétouan, qatarien à Tanger, britannique à Marrakech.

Afin d’élargir le cercle de ses partenaires en Europe, l’AMDI devrait ouvrir des bureaux au Royaume Uni, en Italie et en Allemagne d’ici à la fin de cette année ou au tout début de 2011. « Nous nous situons dans une logique de hub et nous visons également les pays du golfe et les grands pays émergents, intéressés par les marchés européens et africains », explique Fathallah Sijilmassi.

Au cours de ces dix dernières années, le Maroc a suivi la tendance mondiale récente en ouvrant son économie aux investisseurs étrangers. Leur part dans le PIB est passée de moins de 1% à environ 3-4%.

Les opportunités demeurent fortes dans le tourisme, l’industrie, les technologies, l’agroalimentaire. En concurrence avec des pays comme la Tunisie, le Vietnam ou les pays d’Europe de l’Est, le Maroc fait preuve d’ingéniosité. Avec son projet de centre financier à Casablanca et sa politique offensive de développement des énergies renouvelables, il entend développer de nouveaux métiers créateurs d’emplois.

Pour les opérateurs étrangers, le développement des infrastructures et des services collectifs reste plein de promesses. Mi-novembre, Alstom a obtenu 11 millions d’euros de contrats pour le futur tramway de Casablanca. Le groupement Nareva-GDF Suez (après le rachat du britannique International Power) a remporté en août dernier l’appel d’offres pour le projet de construction du parc éolien de Tarfaya, dans l’extrême sud du pays.

Plus sur de lui, le Maroc exige désormais des compensations. Rabat s’apprête à réviser le cadre  légal des marchés publics de plus de 200 millions de dirhams pour y introduire l’obligation de la compensation industrielle à hauteur de 50% et exiger des prestataires étrangers qu’ils achètent ou sous-traitent auprès d’entreprises locales.

La France, au premier rang

« France Télécom actionnaire de 40% de Méditel pour 640 millions d’euros » : En septembre dernier la nouvelle a fait grand bruit, traduisant la mainmise des Français, désormais premiers actionnaires des deux plus importants opérateurs du pays, sur le secteur des télécoms. Cinq mois plus tôt, le Crédit Mutuel-CIC montait à hauteur de 25% dans le capital de BMCE Bank, deuxième banque privée du royaume.

Si depuis deux ans, en raison du ralentissement économique mondial, le flux des investissements directs français au Maroc est en forte baisse (-26% en 2008, -29% en 2009 et -38% au premier semestre 2010), ces deux opérations devraient largement relancer la tendance. En 2009, les investissements français se sont élevés à 7,5 milliards de dirhams (665 millions d’euros).

Malgré le ralentissent, la France demeure de loin le premier investisseur au Maroc. Depuis dix ans, la moitié des investissements étrangers dans le royaume sont français. «Un phénomène tout à fait exorbitant et atypique, souligne Dominique Bocquet, chef du service économique régional de l’ambassade de France à Rabat.  Le Maroc est le premier récipiendaire des flux d’investissements français dans les pays émergents, devant la Chine et l’Inde. Environ 750 filiales d’entreprises françaises sont installées sur le territoire marocain (+40% en trois ans), essentiellement à Casablanca (68%). Parmi les premiers groupes français investisseurs en 2009 en termes de chiffres d’affaires : Vivendi (Maroc Telecom), Total, Lafarge, Suez Environnement (Lyonnaise des Eaux de Casablanca), Danone (Centrale laitière), Renault et Société Générale. 35 entreprises du CAC 40 sont installées au Maroc. Dans la distribution, les Galeries Lafayette et la Fnac ont été convaincus de venir s’installer dans l’enceinte du Morocco Mall, à Casablanca ; un complexe qui promet de devenir l’un des premiers mall d’Afrique du Nord.

« Au Maroc, depuis quelques années, la lisibilité et la compréhension de l’environnement, des objectifs et des dispositifs n’ont cessé de se renforcer. Cela a commencé avec le plan Azur, ensuite décliné avec le plan Emergence, le plan Vert, les plateformes industrielles intégrées, etc. », analyse Dominique Brunin, directeur de la Chambre française de commerce et d’industrie au Maroc (CFCIM).

Les PME-PMI l’ont bien compris, qui sont très présentes dans l’aéronautique, l’automobile, l’informatique, les technologies de l’information. Dans l’aéronautique, le nombre d’entreprises françaises est passé de 5 en 2003 à quasiment 150 aujourd’hui.

« Pour les PME-PMI françaises, la place du Maroc est très particulière. Des facteurs continuent d’être déterminants, comme la proximité géographique, linguistique, un environnement des affaires sécurisant. La note du Maroc délivrée par la Coface est très favorable, ce qui permet un accompagnement financier. Les délais de paiement se sont améliorés », souligne le directeur de la CFCIM. Le plus souvent, l’implantation de sociétés françaises au Maroc s’accompagne de partenariats avec les investisseurs nationaux.

Emirats arabes unis : toujours là

Quatrième en 2009, second en 2008 et au premier semestre 2010, les Emirats arabes unis (EAU) confirment leur intérêt pour le Maroc. Fin 2009, les investissements émirati dans le royaume se sont montés à 1,2 milliard de dirhams (106 millions d’euros). Ils ont été multipliés par deux au premier semestre 2010.

Au Maroc, les EAU sont représentés par la Somed, holding privée à capitaux maroco-émirati, qui a investi en 2010 dans la future marina d’Agadir, ainsi que dans l’enseignement supérieur privé, avec la nouvelle Université internationale de Casablanca.

Dans la vallée du Bouregreg à Rabat, la société émiratie Al Maabar International Investments d’Abu Dhabi poursuit l’aménagement de Bab Al Bahr, cité de 30 hectares comprenant des unités résidentielles, hôtelières, tertiaires ainsi que des complexes d’animation.

Ruée espagnole

Troisième investisseur étranger au Maroc en 2009 avec un flux de 1,68 milliard de dirhams (148 millions d’euros), en baisse de 36%, l’Espagne compte quelques 525 entreprises, pour la plupart des PME-PMI, installées sur l’axe Casablanca-Rabat et Tanger-Larache. L’Espagne se dispute le trio de tête avec le Koweït et les Emirats arabes unis.

« L’Espagne demeure le deuxième investisseur en stock de capital », affirme José Manuel Reyero, conseiller économique et commercial auprès de l’ambassade d’Espagne à Rabat. Les investisseurs espagnols se distinguent notamment dans la construction, l’immobilier et le tourisme. Fortement affectées par la crise économique, les entreprises espagnoles du bâtiment sont venues plus nombreuses chercher des opportunités au Maroc. En partenariat avec MedZ, filiale du groupe Caisse de dépôt et de gestion (CDG), le groupe espagnol Edonia a démarré cette année les travaux d’aménagement de la plateforme industrielle intégrée de Kenitra, dédiée au secteur automobile. Dans l’automobile, l’intérêt des entreprises espagnoles se confirme.

Dans le secteur hôtelier, le groupe Riu a annoncé l’ouverture de trois nouveaux hôtels en 2011, à Marrakech et Agadir. Le groupe catalan Gat Rooms compte ouvrir cinq établissements low cost au Maroc. AC Hotels prévoit l’ouverture de six hôtels dans les principales villes du royaume.

« Le Maroc a un grand avenir dans le tourisme. Les opérateurs comme Barcelo, Iberostar, Riu notamment s’y développent. Le modèle choisi est bienvenu. Jusqu’à présent le Maroc avait un tourisme culturel, mais les gens ne revenaient pas. En développant le balnéaire, l’objectif est d’avoir un tourisme récurrent », indique M. Reyero.

Côté offshoring, le groupe Atento filiale de l’opérateur espagnol Telefonica et troisième au niveau mondial pour les métiers des centres d’appel, a prévu de recruter 600 personnes en 2010, portant son effectif total dans le pays à plus de 3 000 salariés. A contrario du Pérou et de la Colombie, les activités outsourcées au Maroc sont à plus forte valeur ajoutée.

Reste que la tendance des flux espagnols vers le Maroc est en forte baisse. « Les opportunités se présentent parce que le marché offre une certaine dimension. Or cela ne change pas du jour au lendemain. La réalité économique fait que le Maroc avec ses 30 millions d’habitants reste un pays avec des inégalités fortes. Les opportunités se créent au fur et à mesure du développement du pays », analyse le conseiller économique.

Koweït : l’effet Zain

Sur une pente ascendante depuis 2004, les investissements koweitiens se sont effondrés en 2008 sous l’effet de la crise mondiale. Sixième investisseur en 2007, avec 1,575 milliard de dirhams (138 millions d’euros), le Koweït est passé à la 17ème place en 2008 avec 115 millions de dirhams seulement.

En 2009, la machine a été relancée grâce à l’entrée du consortium Zain-Al Ajial Investment Fund Holding au capital de Wana, devenu Inwi, à hauteur de 31%. L’augmentation de capital dans le troisième opérateur marocain de télécoms a porté sur un montant de 2,85 milliards de dirhams (250 millions d’euros). Grâce à cette prise de participation, le Koweït est remonté en seconde position, avec un flux de 3 milliards de dirhams en 2009.

Plus généralement, les pays du Golfe sont courtisés. Une délégation emmenée par le ministre de l’Industrie, du Commerce et des Nouvelles technologies, Ahmed Reda Chami, a effectué fin octobre une mission au Koweït, aux Emirats Arabes Unis, au Qatar, à Bahreïn et en Arabie Saoudite, afin de promouvoir la destination Maroc auprès des fonds souverains et des principaux opérateurs économiques et financiers.

Ambitions britanniques

Emblématique de la présence britannique au Maroc, Logica vient d’inaugurer ses nouveaux locaux au parc Technopolis de Rabat. Acteur majeur des services informatiques et de l’offshoring au Maroc, le groupe emploie près de 700 personnes.

Sixième investisseur en 2009 avec plus d’un milliard de dirhams, le Royaume Uni s’illustre également dans l’immobilier, la distribution avec Unilever, l’industrie pharmaceutique avec GSK. En revanche, la compagnie anglo-néerlandaise Shell s’est retirée du Maroc au premier semestre, dans un mouvement de désengagement plus global du continent africain.

Au total, près de 80 entreprises britanniques sont installées dans le royaume.

Discrétion suisse

Avec 1,1 milliard de dirhams, la Suisse est le cinquième investisseur au Maroc. Une présence discrète et un intérêt confirmé depuis plusieurs années. Outre le cimentier Holcim et le groupe Nestlé, la Suisse est représentée au Maroc via SGS, leader mondial du contrôle technique, via le groupe télécoms Amitelo, le groupe immobilier MC Suisse Connexion, les laboratoires Roche ou encore les franchises Swatch.

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