Le boom du tourisme médical

L’Express

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De plus en plus d’Européens viennent se faire soigner au Maroc. Pour certaines spécialités, l’économie réalisée peut aller jusqu’à 50%.

Samir feuillette tranquillement un magazine dans la salle d’attente d’un dentiste casablancais. Dans quelques jours, ce professeur de 56 ans, à l’allure impeccable, s’envolera vers la France pour retrouver ses étudiants dans l’école de commerce où il enseigne. Son sourire retrouvé. Pour ses cinq implants dentaires, il n’aura déboursé que 7 000 euros. « A Paris, il aurait fallu compter 14 000 euros ! Le double ! Et les implants ne sont pas remboursés par la Sécurité sociale ! Je n’aurais jamais pu sortir une telle somme », confie t-il. C’est une collègue qui lui a soufflé la solution marocaine. « J’avais commencé à regarder ce qui se faisait en Hongrie. Mais là bas, on ne parle pas français. Ma collègue, opérée au Maroc, avait été très satisfaite ».

Tout a été très simple : il a contacté, via Internet, la clinique dentaire Bennani. Vingt-quatre heures plus tard, après avoir transmis radio panoramique et bilan de santé, il avait un rendez-vous. Samir a ensuite effectué deux séjours d’une semaine à la clinique. Au total, l’opération a pris trois mois.

« A Paris, souligne l’enseignant, il fallait attendre dix mois entre la pose de l’implant et celle de la prothèse ». Dans cet établissement du quartier du Maârif, à Casablanca, 30% de la clientèle est étrangère. May se charge de réceptionner les patients à l’aéroport et de répondre à leurs questions. « Les gens ont besoin d’être rassurés », explique t-elle. Une grande partie de ces touristes atypiques est constituée de Marocains résidant à l’étranger. Mais il y a aussi des Français, souvent des familiers du royaume. Le faible coût des liaisons aériennes depuis l’arrivée des compagnies low cost, la langue et le climat sont autant d’arguments qui plaident pour une intervention de l’autre côté de la Méditerranée.

« Ceux qui viennent de l’étranger appartiennent généralement à la classe moyenne, précise le docteur Abdellah Bennani. Mais certains sont issus de milieux très modestes. Ils économisent des années ou empruntent ». « Les dents, ajoute le chirurgien, c’est à la fois de l’esthétique, de la psychologie et une affaire de santé. En général, ces patients viennent pour de grosses réhabilitations, qui leur coûtent en moyenne entre 8 000 et 10 000 euros ». Si les prix sont beaucoup plus bas qu’en Europe, c’est que tout est moins cher au Maroc : les salaires, les loyers, les prélèvements sociaux et les prothèses fabriquées localement.

Formé en France, à l’instar de la plupart de ces confrères, Abdellah Bennani est particulièrement attentif aux matériaux employés, bannissant les prothèses fabriquées en Chine ou en Corée. « Nous sommes conscients que certains de nos clients étrangers peuvent avoir de l’appréhension. Nous ne prenons aucun risque car nous tenons à notre réputation ».

Pour les mêmes raisons, le chirurgien refuse de pratiquer des actes plus lourds, comme les greffes d’os et plus généralement les actes qui nécessitent un suivi médical.

Relativement récent, le « tourisme dentaire » est en plein développement au Maroc. Il n’est pas le seul : pratiquement toutes les spécialités peu ou pas remboursées en Europe sont concernées. Dans quelques mois, un immense complexe de 4 000 mètres carrés ouvrira ses portes à Dar Bouazza, à une vingtaine de kilomètres au sud de Casablanca : la Malo Clinic. Une quarantaine de spécialistes y travailleront : dentistes, ophtalmologues, spécialistes de la chirurgie plastique ou du traitement de l’obésité. A l’origine du projet, le groupe portugais Malo Clinica est déjà présent en Europe, aux Etats-Unis, au Brésil, à Hongkong, Macao et Israël. Il souhaite faire de la Malo Clinic de Casablanca une plate-forme pour l’Europe, l’Afrique et le Moyen-Orient.

Outre les dents, la chirurgie esthétique a le vent en poupe. Le Maroc compte une cinquantaine de plasticiens et une dizaine de cliniques de chirurgie esthétique. Après avoir été un précurseur –c’est au Maroc qu’a été créée la première clinique esthétique au monde dans les années 50-, le royaume est longtemps apparu en retrait par rapport à d’autres pays comme la Tunisie ou le Liban, sauf pour les opérations pratiquées sur les transsexuels, dont Casablanca s’était fait une spécialité dans les années 1960 et 1970. Aujourd’hui, la clientèle est massivement féminine et le secteur en plein boom.

Originaire de la région Rhône Alpes, Corinne, 48 ans, vient régulièrement au Maroc pour ses vacances. C’est à la suite d’un reportage télévisé sur la chirurgie esthétique, diffusé en France, qu’elle décide de se faire opérer à Rabat, dans la clinique du professeur Slaoui. « J’ai rencontré le docteur Slaoui en avril, explique t-elle. J’avais besoin d’une liposuccion du ventre, des hanches et des membres inférieurs. Il y a eu un très bon feeling, je n’ai pas hésité ». « J’ai fait cela au Maroc, car je ne voulais pas que mes enfants me voient », confie cette mère de quatre garçons, employée à La Poste, qui souffre d’un sérieux problème de poids. Elle a payé 30 000 dirhams (environ 2 600 euros). Elle restera au Maroc une dizaine de jours.

Dans le très chic quartier Souissi à Rabat, la clinique ultradesign du professeur Salaheddine Slaoui, spécialiste en chirurgie plastique réparatrice et esthétique, accueille des patients de l’Europe entière -France, Belgique, Suisse, Espagne ou Italie- et parfois du Canada. Les étrangers représentent 15 à 20% de sa clientèle. Des touristes motivés par des prix jusque trois fois inférieurs à ceux pratiqués en France. Ils viennent le plus souvent pour la liposuccion, le lifting, la rhinoplastie et l’augmentation mammaire, plus rarement les greffes de cheveux et la plastie abdominale. L’établissement, qui compte une douzaine de chambres, est doté de trois blocs opératoires avec des équipements de dernière génération. Un anesthésiste réanimateur est présent en permanence.

« Beaucoup de ceux et de celles qui viennent ici ne se feraient sans doute pas opérer en France, souligne le professeur Slaoui. La clientèle n’est pas la même. » Ce chirurgien, président de la Société marocaine de chirurgie plastique et esthétique, ne comprend pas que certains de ses collègues français puissent refuser d’assurer le suivi médical d’un patient opéré à l’étranger. « C’est contraire à la déontologie, contraire à l’éthique et contre l’intérêt du patient, s’insurge le professeur. Il y a deux poids, deux mesures. Cela ne leur pose aucun problème que des étrangers viennent en France se faire soigner. Mais l’inverse, ils ne l’acceptent pas ! »

Contrairement à la Tunisie, perçue comme une destination touristique médicale low-cost, le Maroc a réussi à préserver une bonne réputation en jouant la carte de la technicité. Ici, ni packages ni agences de voyages spécialisées : la chirurgie esthétique reste une affaire médicale.

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