La Ferme rouge, la passion du vin
Le Point
Jacques Poulain, vigneron
A une soixantaine de kilomètres de Rabat, la rencontre d’un vigneron français et d’un terroir.
Cette année, les vendanges sont tardives en raison des pluies. Dans les vignes de la Ferme rouge, un domaine situé dans la région vallonnée de Rommani, à une soixantaine de kilomètres de Rabat, Jacques Poulain, vigneron, marche d’un pas pressé, salue les ouvriers, cueille des raisins au hasard, des syrah. Il les goûte en prenant soin de mâcher lentement les peaux et de croquer les pépins. L’homme est râblé, vif. Derrière son côté bon vivant et chaleureux, on devine un caractère exigeant. Soudain, son regard s’illumine. « Ça va faire de jolis vins. C’est une belle année ! », s’enthousiasme t-il. La Ferme rouge, c’est la rencontre d’un homme et d’un terroir. « Je suis tombé amoureux de cet endroit. Il est idéalement situé pour faire du vin. Nous sommes à 410 mètres d’altitude, à 35 km de l’océan Atlantique, on bénéficie de courants d’air maritimes à chaque changement de marées. Malgré la chaleur, on a un terroir qui est frais. C’est magique, un vrai bonheur », confie Jacques Poulain.
Il y a cinq ans, ce vigneron français originaire de Bordeaux, qui a travaillé longtemps pour le groupe Zniber, principal producteur de vins au Maroc, s’émancipe et tente l’aventure. Associé à Amine Sourelah, homme d’affaires marocain et fils de général, Jacques Poulain rachète la Ferme rouge, plante des vignes, construit un chai en pierre, une cave, investit dans une vingtaine de cuves réfrigérées. Montant des investissements : 3 millions d’euros. Aujourd’hui, le domaine compte 200 hectares de vignes. D’ici 2015, 70 hectares supplémentaires seront plantés.
« Ce qu’il faut, c’est savoir exprimer un terroir et l’optimiser à travers de jolies bouteilles. On a ici des terres plus légères qu’à Meknès, des argiles rouges et noires, assez fines, avec un mélange plus sablonneux. On est davantage sur la minéralité, on fait des vins plus fins, plus féminins, plus équilibrés. On est sur des vinifications naturelles et simples. On a aussi pensé le vin en raisonnant sur un produit de consommation qui soit dans l’air du temps. Avec un conditionnement moderne et un bon rapport qualité prix », explique le vigneron.
Aujourd’hui, le succès est au rendez-vous. Les vins de la Ferme rouge sont reconnus et comptent sur le marché marocain. A la table de la Mamounia à Marrakech, une bouteille d’Ithaque, le vin haut de gamme, se vend autour de 1 500 dirhams (130 euros). Les cuvées Terres rouges, Terres blanches, Terres sauvages sont vendues à des prix plus abordables dans les rayons des magasins spécialisés et des hypermarchés. En 2012, 870 000 cols ont été écoulés. Cette année, un million de bouteilles devraient être vendues.
« Le marché c’est d’abord le Maroc. Vu le succès que l’on rencontre aujourd’hui, on manque de raisins pour faire du vin. L’exportation, c’est vraiment dans un souci de reconnaissance du terroir, de la qualité de nos vins », indique Jacques Poulain. La Ferme rouge exporte ses vins en France, en Suisse et bientôt aux Etats-Unis. Aujourd’hui, l’objectif est de monter en gamme, en terme d’image et de crédibilité.
Dans quelques semaines, la Ferme rouge devrait décrocher une appellation d’origine contrôlée (AOC), « Côtes de Rommani », délivrée par le ministère marocain de l’Agriculture. Ce serait la seconde AOC du Maroc, l’aboutissement de cinq ans de travail acharné et de passion partagée. « Autrefois, cet endroit s’appelait la Jacqueline. Le Clos Jacqueline, ce serait un joli nom pour un grand vin », se prend à rêver le vigneron français.