France: la CGT et l’association Sherpa portent plainte contre Vinci pour travail forcé au Qatar
Planet Labor
L’ONG Sherpa et la Fédération nationale des salariés de la construction de la CGT (FNSCBA) ont porté plainte, le 23 mars, contre Vinci Construction et les dirigeants de sa filiale au Qatar QDVC pour travail forcé au Qatar sur les chantiers du Mondial de football 2022. Le groupe de BTP français est accusé de travail forcé, réduction en servitude et recel à l’encontre des migrants employés. Cette plainte intervient alors que le patronat montre au créneau à quelques jours de l’examen par l’Assemblée nationale de la proposition de loi sur l’obligation de vigilance.
Selon Sherpa, spécialisée dans la défense des populations victimes de crimes économiques, les preuves récoltées dénoncent des conditions de travail inhumaines et dangereuses, en violation des lois internationales et même locales, qui expliquent les fréquents accidents et décès sur les chantiers. « Nous avons pu collecter sur place des preuves formelles de conditions de travail et de logement indignes pour une rémunération sans rapport avec le travail fourni et effectué sous la contrainte de menaces », souligne Marie-Laure Guislain, responsable du contentieux à Sherpa pour le programme Globalisation, droits humains et RSE. « Les passeports sont confisqués par l’entreprise et les travailleurs subissent des menaces s’ils revendiquent leur droit à de meilleures conditions de travail ou de logement, s’ils désirent démissionner ou changer d’employeur », indique l’ONG. Une petition en ligne a été mise en place pour appuyer la plainte qui a été transmise au parquet de Nanterre pour délit de travail forcé et réduction en servitude (qui existe dans le code pénal depuis 2013). Sherpa a demandé l’ouverture d’une enquête préliminaire sur les conditions de travail des salariés de Vinci au Qatar. En réaction, le géant français de la construction a fait savoir dans un communiqué qu’il réfute totalement les accusations de l’association et a décidé de porter plainte pour diffamation. Vinci travaille au Qatar depuis 2007 et y emploie 3 500 personnes. Le groupe de BTP a rappelé qu’il adhère depuis 2003 au Global Compact porté par les Nations unies.
Depuis le démarrage de la construction des infrastructures liées au Mondial 2022, des centaines de travailleurs migrants sont décédés en raison de conditions de vie et de travail contraires au respect des droits humains. Des conditions dénoncées à maintes reprises par les organisations de défense des droits de l’homme et les syndicats. Sous la pression internationale et médiatique, et à la demande de la Fédération internationale de football (Fifa), Doha avait annoncé en février 2014 des mesures sociales et exigé que les entrepreneurs restituent les passeports des employés, confisqués au titre de la kafala. Ce système qui soumet l’obtention du permis de séjour à un parrainage local est assimilé à de l’esclavage moderne. En vertu de cette loi, les entreprises peuvent empêcher leurs employés de changer de travail ou de quitter le pays. Pour autant, l’Organisation internationale du travail (OIT) s’était montrée sceptique quant à l’application réelle des mesures anti-kafala.
En France, l’Assemblée nationale doit examiner à partir du 30 mars une proposition de loi sur le devoir de vigilance des entreprises donneuses d’ordre. Le texte inscrit « l’obligation pour les grandes sociétés d’établir et de mettre en œuvre un plan de vigilance comportant les mesures propres à identifier et prévenir la réalisation de risques d’atteintes aux droits de l’homme et aux libertés fondamentales, de dommages corporels ou environnementaux graves ou de risques sanitaires résultant de leurs activités et de leurs filiales, ou de celles de leurs sous-traitants et fournisseurs ». Sherpa demande que le texte soit amendé afin qu’il « ne soit réduit, sous la pression des organisations patronales, à une obligation de reporting améliorée, dont ne serait tenue qu’un petit nombre d’entreprises ».