Droits humains, sécurité et climat au cœur de la refonte de la politique d’aide de l’UE
Econostrum
L’Union européenne doit refondre sa politique d’aide au développement et sa politique de voisinage. Alors que se profile, mi-juillet 2015, la conférence sur le financement du développement d’Addis-Abeba, Bruxelles se trouve sous pression.
Alors que se profile, mi-juillet 2015, la conférence sur le financement du développement d’Addis-Abeba, l’Union européenne remet à plat sa politique d’aide au développement et sa politique de voisinage. Cette conférence devrait augurer d’une position ambitieuse ou pas de la communauté internationale en faveur du développement durable et de la lutte contre le réchauffement climatique (lors de l’Assemblée générale de l’ONU en septembre et de la COP 21 en décembre). Mais comment répondre aux nouveaux défis du développement, alors que se pose la question du financement de l’aide dans une Europe en crise ?
En matière d’aide publique au développement (APD), l’Union européenne reste loin d’atteindre, collectivement, les 0,7% du PIB. Seuls quatre pays ont rempli cet objectif : la Suède, le Luxembourg, le Danemark et le Royaume Uni. Ce désengagement a suscité l’ire de Bruxelles. Au sein de l’Union, l’engagement budgétaire des pays membres demeure très hétérogène. Le morcellement de l’aide, ainsi que le manque de coordination et de cohérence pèsent sur les résultats des politiques de développement.
« Nous sommes sous pression bien sûr. Mais nous avons progressé. En 2014, nous avons fourni 58 mrds€ d’APD, c’est 2 mrds de plus qu’en 2013, et cela représente plus de la moitié de l’aide mondiale. J’ai espoir que les États membres puissent atteindre l’objectif de 0,7% en 2030. Car l’aide au développement est très importante, financièrement et politiquement, pour toucher les pays les plus fragiles et les moins développés », indiquait Neven Mimica, commissaire européen au développement et à la coopération internationale, lors des Journées européennes du développement (JED), tenues à Bruxelles les 3 et 4 juin 2015.
Une question de sécurité et de stabilité mondiale. « Ces pays, dont la plupart sont en Afrique, ne peuvent pas s’appuyer sur leurs ressources domestiques et sur les flux d’investissement privés. Ils comptent sur l’aide. Mais l’aide au développement ne couvre que 10% des besoins correspondant aux objectifs du développement. Elle doit donc être un levier pour lever, catalyser d’autres fonds, comme la finance innovante, les prêts garantis, etc. Nous sommes pour une approche globale. L’aide au développement, seule, ne peut pas tout », souligne Neven Mimica.
Le partenariat sur la nutrition signé avec la Fondation Bill and Melinda Gates, lors de ces JED, illustre cette volonté de construire un partenariat global, en associant la société civile, les ONG, le secteur privé, le secteur universitaire et académique, les fondations privées philanthropiques. Cette nouvelle initiative porte sur la réalisation de plates-formes nationales d’information sur la nutrition, mises en place au Bangladesh, au Burundi, en Éthiopie, au Kenya, au Laos et au Niger, dans un premier temps. L’UE s’engage sur 23,5 M€. La Fondation Gates allouera 500 000 $ (442 100 €). Le Royaume Uni soutiendra également cette initiative à hauteur de 6,4 millions de livres sterling (8,6 M€). « Ce partenariat avec la Fondation Gates nous permet d’intervenir plus largement, plus concrètement sur le terrain. Nous sommes les plus gros donateurs au monde et nous souhaiterions être les plus efficaces », précise Neven Mimica.
Aide à l’Afrique
Sur le continent africain, l’aide continuera de cibler principalement les pays les moins développés (PMA) et les pays en conflit, dans trois secteurs principaux : l’éducation, l’agriculture et le secteur énergie, eau et assainissement. Et dans la perspective post 2015 de refonte des politiques de développement et de coopération, les droits de l’homme, les questions migratoires, la sécurité et surtout le climat devraient trouver un écho plus favorable.
« Nous devons essayer de construire une réponse européenne concrète sur les questions de paix et de sécurité dans les pays africains en conflit et en crise. Jusqu’ici, l’action extérieure de l’Union européenne a été fragmentée. Nous devons avoir une réponse plus forte et plus communautaire sur la sécurité (…) En République centrafricaine, par exemple, nous sommes intervenus au tout début de la crise, avec une réponse militaire pour assurer des opérations de maintien de la paix. En même temps, nous avons apporté une aide humanitaire. Et pour la première fois, nous avons établi un fonds fiduciaire européen pour la reconstruction en Centrafrique », a souligné le commissaire européen au développement.
Sur la question climatique, Martin Schulz, président du Parlement européen, a tenu à rappeler que « les pauvres sont les plus vulnérables (…) Il est impératif que l’accord de Paris arrive à un accord contraignant pour limiter à 2% les émissions de gaz à effet de serre ».
Révision de la politique de voisinage
Depuis mars 2015, les consultations pour réviser la Politique de voisinage (PEV) qui conduit les relations de l’UE avec les seize pays partenaires de la rive sud Méditerranée et de l’Europe orientale sont lancées. « Comment traiter avec les voisins de nos voisins ? », s’interroge le commissaire européen, Johannes Hahn. « La nouvelle Politique de voisinage doit refléter les vues et les expériences de nos partenaires. Elle ne doit pas être condescendante ou paternaliste », indique par ailleurs le commissaire à la Politique européenne de voisinage. Outre le commerce et la mobilité, l’accent devrait être mis sur l’énergie, la sécurité, les droits de l’homme et l’État de droit.
La tragédie vécue par des milliers de migrants en Méditerranée met la question migratoire au premier plan des priorités. Pour Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne, qui s’exprimait lors des JED, l’agenda pour la migration sera maintenu, coûte que coûte. « Il s’agit de respecter les droits de l’homme. Nous ne changerons pas d’avis malgré résistance de certains États membres », a t-il indiqué. L’UE prévoit notamment le triplement des capacités et des ressources disponibles en 2015 et 2016 pour les opérations conjointes Triton et Poséidon de Frontex, un mécanisme temporaire de répartition dans l’UE des demandeurs d’asile, d’intensifier la lutte contre le trafic de migrants.