Economies africaines: le Brexit met la pression

Le Point Afrique

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Le Premier ministre David Cameron lors d’une session du JSE en 2011. © AFP PHOTO / POOL / Christopher Furlong

Le cabinet EXX Africa, implanté à Londres et à Johannesburg, a scruté les éventuelles conséquences du Brexit sur l’Afrique du Sud, le Kenya et le Nigeria.

Une semaine après le vote référendaire en faveur du départ du Royaume-Uni de l’Union européenne, une grande période d’incertitude s’installe. Le cours du pétrole a chuté de 3,9 % pour atteindre 50 dollars le baril. Dans le même temps, le cours de l’or est remonté, reflétant la préférence des investisseurs pour la valeur refuge.

Les investisseurs inquiets

En Afrique, les monnaies et les titres actions et obligations ont dégringolé. Les investisseurs sont inquiets du fait que les pays africains puissent avoir un moindre accès aux marchés internationaux de capitaux, ce qui pourrait freiner le financement des grands projets et infrastructures. Par ailleurs, la sortie de l’UE prive le Royaume-Uni de l’accès au marché unique et le forcera à renégocier de nouveaux accords commerciaux avec les pays africains.

« Suite au Brexit, il y a eu des tensions sur le marché financier, le rand a chuté vis-à-vis du dollar. Toutefois, il est resté relativement résilient », estime Hugo Pienaar, économiste senior au Bureau for Economic Research en Afrique du Sud. « À plus long terme, le Brexit pourrait avoir comme conséquence une contraction du PIB européen et donc affecter la demande pour les produits sud-africains. Le Royaume-Uni n’est pas un partenaire commercial si important pour l’Afrique du Sud, excepté pour les produits agricoles. En revanche, l’UE est un gros marché d’exportation pour nous ! En particulier, l’Allemagne, la France, les Pays-Bas », note l’économiste. Les exportations sud-africaines à destination de l’UE ont atteint 14,2 milliards de dollars en 2015.

L’Afrique du Sud vers une récession ?

Dans un rapport sorti le 27 juin, le cabinet EXX Africa, implanté à Londres et à Johannesburg, estime, lui, que l’Afrique du Sud devrait vraisemblablement entrer en récession, tandis que l’extrême volatilité de sa monnaie devrait conduire à voir sa note de crédit rétrogradée, ce qui aurait un impact à la hausse sur l’inflation et les taux d’intérêt, ainsi qu’une fuite des capitaux. Le rand a déjà perdu 21 % contre le dollar en 2016. Le 24 juin, le rand a accusé la plus forte baisse après la livre sterling. Cela s’explique notamment par le fait que de nombreuses compagnies sud-africaines sont cotées à la fois sur la Bourse de Londres et de Johannesburg. Le ministre sud-africain des Finances, Pravin Gordhan, a toutefois assuré que le Trésor et la Banque centrale prendraient toutes les mesures pour gérer les conséquences du Brexit.

Le Kenya résiste, mais jusqu’à quand ?

De leur côté, les marchés kenyans sont restés relativement stables après l’annonce du Brexit. Les officiels kenyans ont été prompts à réagir. Le ministre kenyan des Finances, Henry Rotich, a assuré aux investisseurs que le Kenya avait les réserves de change suffisantes pour absorber les chocs dus à cette crise. Le Kenya détient 5,6 milliards de dollars de réserves de change, ce qui représente cinq mois de couverture des importations. La Banque centrale du Kenya est par ailleurs prête à intervenir sur le marché monétaire et des changes, si nécessaire. Pour autant, de réelles inquiétudes planent sur les négociations en cours pour conclure au plus tôt un accord commercial entre l’Union européenne et la Communauté d’Afrique de l’Est (EAC). Cela pourrait impacter négativement le marché des fleurs coupées à l’export, souligne EXX Africa. L’Association des producteurs de fleurs a déjà estimé que des retards dans ces négociations pourraient coûter 38 millions de dollars par mois. L’horticulture est un marché à l’export majeur pour le Kenya : plus d’un tiers des fleurs coupées sont vendues en Europe, principalement aux Pays-Bas et au Royaume-Uni.

Le Nigeria menacé

Au Nigeria, le Brexit devrait entraîner une détérioration de l’économie, déjà affectée par la chute des cours du pétrole et une baisse brutale de la production de brut en raison de la situation d’urgence dans le delta du Niger. En Afrique, le Nigeria est le second plus gros marché à l’export du Royaume-Uni. Avec des actifs de plus de 1,4 milliard de dollars, le Royaume-Uni est l’investisseur étranger le plus important au Nigeria. À terme, le ralentissement de l’économie britannique et la déstabilisation des négociations commerciales devraient conduire à une baisse des flux commerciaux, de l’investissement direct étranger et des transferts de la diaspora nigériane.

Les autres économies africaines devraient, elles, être touchées à court terme et à la marge.

« On peut s’inquiéter du fait que le Royaume-Uni se désengage de l’Afrique, vu le ralentissement inévitable de son économie. Et bien que le Royaume-Uni se soit fermement engagé à consacrer 0,7 % de son PIB à l’aide publique au développement, une récession pourrait conduire à diminuer l’aide à l’Afrique », souligne Robert Bessing, directeur d’EXX Africa.

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