Europe-Afrique – Neven Mimica : « Nous sommes sous pression »
Le Point Afrique
INTERVIEW. À l’occasion des Journées européennes de développement, le commissaire européen au Développement a répondu aux questions du Point Afrique.
Quels seront les grands axes de la politique de développement avec l’Afrique dans l’agenda post-2015 ?
Neven Mimica : Notre politique de développement en Afrique est conduite par deux documents principaux, l’Accord de Cotonou et notre Programme pour le changement (NDLR : pour atteindre les OMD). Nous sommes vraiment déterminés à poursuivre et renforcer ce partenariat au niveau des trois piliers de l’Accord de Cotonou, c’est-à-dire le dialogue politique, les relations commerciales privilégiées et l’aide au développement. Dans notre Programme pour le changement, l’aide vise principalement les pays les moins développés, les pays les plus fragiles et les pays en conflit. Cette aide se concentre sur trois secteurs principaux : l’éducation, l’agriculture et le secteur énergie, eau et assainissement. Ce sont les trois secteurs majeurs que nous devrions continuer à soutenir.
Concernant les nouveaux objectifs du développement durable, nous devons essayer de construire une réponse européenne concrète sur les questions de paix et de sécurité dans les pays africains en conflit et en crise. Jusqu’ici, l’action extérieure de l’Union européenne a été fragmentée. Nous devons avoir une réponse plus forte et plus communautaire sur la sécurité. La nouvelle Commission intègre cette approche, essaie de bouger en parallèle sur les questions de sécurité et de développement communautaire. En République centrafricaine, par exemple, nous sommes intervenus au tout début de la crise, avec une réponse militaire pour assurer des opérations de maintien de la paix. En même temps, nous avons apporté une aide humanitaire. Pour la première fois, nous avons établi un fonds fiduciaire européen pour la reconstruction en Centrafrique. Ce fonds permet de mutualiser les ressources financières et est ouvert aux États membres et à tout autre bailleur.
Nous devrons redéfinir notre stratégie après les négociations de New York portant sur les nouveaux objectifs du développement durable et permettre une meilleure mise en œuvre du nouvel agenda qui sera axé sur les pays africains les moins avancés.
Dans votre politique de développement avec l’Afrique, quelles sont les conditions posées pour le respect des droits humains ?
Le dialogue politique est une part importante de l’engagement de l’accord de Cotonou. Il y a des consultations régulières sur le respect des droits humains et la bonne gouvernance. Dans certains cas, ce dialogue fonctionne, dans d’autres il n’a guère d’influence et ne produit pas les résultats attendus. L’Union européenne doit améliorer certains programmes de sa coopération au développement. Concrètement, dans plusieurs cas, on a dû suspendre l’aide au développement, comme par le passé en Guinée Bissau. Mais même si l’on suspend certains projets de développement et l’aide budgétaire allouée aux régimes défaillants, il est nécessaire de maintenir l’aide en faveur des ONG pour toucher la population et lutter contre la pauvreté, soutenir le secteur de la santé, créer des emplois.
Lors des Journées européennes du développement, un nouveau partenariat a été annoncé avec la Fondation Bill and Melinda Gates, laquelle prévoit de doubler ses investissements dans la nutrition en Afrique pour atteindre 776 millions de dollars au cours des six prochaines années. Qu’y a-t-il de nouveau dans ce partenariat ?
Dans la perspective d’atteindre les objectifs du développement durable, la limite est la capacité à construire un partenariat global. Ce n’est pas simplement l’affaire des gouvernements et de leur capacité à s’engager à fournir de l’aide. Il est très important de travailler de concert avec la société civile, les ONG, le secteur privé, le secteur universitaire et académique, et aussi avec des fondations privées philanthropiques. La Fondation Bill & Melinda Gates est très active, avec des objectifs très concrets dans le domaine de la nutrition, de l’agriculture, de la santé. Ce partenariat avec la Fondation nous permet d’intervenir plus largement, plus concrètement sur le terrain. Nous sommes les plus gros donateurs et nous souhaiterions être les plus efficaces.
Comment répondre aux nouveaux défis du développement alors que se pose la question du financement de l’aide dans une Europe en crise ? Certains pays membres ont réduit leur contribution.
Oui, en matière d’aide au développement, nous sommes loin d’atteindre, collectivement, les 0,7 % du PIB. Seuls quatre pays ont rempli cet objectif. Et nous sommes sous pression bien sûr. Ce n’est pas lié simplement à la conférence prochaine sur le financement du développement d’Addis-Abeba. Reste que nous avons progressé. En 2014, nous avons fourni 58 milliards d’euros d’APD, c’est deux milliards de plus qu’en 2013, et cela représente plus de la moitié de l’aide mondiale. J’ai espoir que les États membres puissent atteindre l’objectif de 0,7 % en 2030. Car l’aide au développement est très importante, politiquement et financièrement, pour toucher les pays les plus fragiles, les moins développés. Ces pays ne peuvent pas s’appuyer sur leurs ressources domestiques et sur les flux d’investissements privés, donc ils comptent sur l’aide. L’aide au développement ne couvre que 10 % des besoins correspondant aux objectifs du développement. Elle doit donc être un levier pour lever, catalyser d’autres fonds, comme la finance innovante, les prêts garantis, etc. Nous sommes pour une approche globale. L’aide au développement, seule, ne peut pas tout.
Où en est-on de l’agenda migratoire ?
La Commission européenne a été très claire et a démarré les discussions pour rendre effectif l’agenda en matière de migration. J’espère que le sentiment d’urgence, l’esprit de solidarité, le sens des responsabilités va l’emporter. Et que les États membres mettront tout en œuvre pour traiter les conséquences de la migration illégale.