Le Maroc, royaume de la croissance et des inégalités, élit son Parlement

La Tribune

Plus de 15 millions d’électeurs sont appelés aux urnes au Maroc pour les secondes élections législatives, depuis l’accession au trône du roi Mohammed VI. Très attendu, le score du Parti de la Justice et du Développement (PJD), parti islamiste « modéré », ne devrait pas provoquer de bouleversements majeurs dans la conduite des affaires du Royaume (lire ci-dessous).

En écho à ces vols charters, qui déversent cohortes de touristes et retraités en mal de soleil, l’économie semble décoller. A Tanger, Marrakech ou Rabat, les investissements étrangers affluent dans les secteurs de l’immobilier et du tourisme, avec une accélération des entrées de capitaux en provenance des Etats du Golfe. Renault-Nissan vient d’annoncer un milliard d’euros pour la construction d’une usine d’assemblage. A quelques encablures des cotes européennes, le port de Tanger-Med, entré en service en juillet, aura pesé dans la décision. L’offshoring à Casablanca fait des adeptes chez BNP Paribas, Bull, Cap Gemini, Unilog et Axa. Les centres d’appels pullulent. Les grands noms de l’aéronautique sont là.

Selon l’Office des changes marocain, les investissements directs étrangers ont avoisiné 2,3 milliards d’euros en 2006 et 2005 ; la France demeurant en tête avec 41% des flux, suivie de l’Espagne. Ouverture, privatisations, développement des infrastructures, facilités pour les entreprises, le Maroc déploie une stratégie d’attraction des investissements. L’assouplissement du contrôle des changes, début août, signe un tournant en faveur de la convertibilité du dirham, attendue en 2009.

En 2006, la croissance du PIB a atteint 8,1%, contre 1,7% en 2005. Elle devrait avoisiner les 3% cette année, selon le FMI. Lequel souligne la moindre volatilité du secteur non agricole et la bonne tenue des fondamentaux : le déficit budgétaire s’élève à 2,1% du PIB, l’endettement public externe diminue, l’inflation demeure relativement modérée à 3,3%, la balance des transactions courantes devrait être excédentaire pour la 7ème année consécutive. Un bémol toutefois, le déficit de la balance commerciale se creuse. La corruption est un fléau.

Le Maroc, économie émergente ? Pour François Tirot, directeur adjoint de l’Agence Française de Développement à Rabat, «le taux d’analphabétisme de 47% constitue un obstacle ». La très grande pauvreté persiste. Sur une population totale de 31 millions d’habitants, près de 5 millions de personnes vivent encore avec moins de deux dollars par jour. «Il n’y a pas assez de créations d’emplois, (…) l’économie marocaine n’est pas assez compétitive », indique Jawad Kerdoudi, président de l’Institut marocain des relations internationales (IMRI). Le Maroc doit absorber chaque année plus de 400 000 nouveaux arrivants sur le marché du travail. Le secteur agricole qui compte 40% des actifs est « complètement négligé », regrette Mohamed Maarouf, directeur local de PlanetFinance. Le microcrédit vient en aide à près d’un million de personnes. « Pour les autres, il n’y a aucun filet social », ajoute t-il. La santé est pointée du doigt. A Casablanca, 12% de la population vit dans des bidonvilles. Les résultats de l’Initiative nationale pour le développement humain, lancée en 2005 seulement, se font attendre.

Focus. Les islamistes modérés bénéficient du soutien de la classe moyenne

L’arrivée éventuelle d’un parti musulman en tête des élections n’inquiète guère les Marocains. Selon Nicolas Bouzou, directeur du cabinet d’analyse économique Asterès, « la recrudescence du risque terroriste au Maghreb semble constituer une menace bien plus importante que l’arrivée éventuelle d’un parti musulman en tête des élections ». D’autant que la stratégie de développement du Maroc s’appuie en très grande partie sur l’attraction des grandes entreprises étrangères.

Devant les inquiétudes soulevées par le score des islamistes « modérés » du Parti de la Justice et du Développement (PJD) aux législatives, Noureddine Ayouch, président de l’association citoyenne 2007Daba, se montre catégorique : «Si le PJD arrive en tête, cela  n’aura aucune conséquence majeure, car avec un scrutin à la proportionnelle au plus fort reste et une trentaine de partis, il y aura forcément une coalition gouvernementale». Quelque soient les résultats, le PJD devra modérer ses ardeurs, surtout que la monarchie est exécutive et pèse de tout son poids sur la politique du pays. Ainsi, le Premier ministre est désigné par le Roi, les grandes orientations fixées par le Palais. Par ailleurs, le PJD, seul parti islamiste légal au Maroc, dirigé par Sâad-dine El Otmani, manque de compétences techniques, estiment de nombreux observateurs.

«Le PJD est un parti de classe moyenne. Il n’a pas avec lui l’élite intellectuelle ou le top management (…) A la différence des Frères Musulmans en Egypte ou en Jordanie, qui occupent fortement le champ social, notamment la santé, le PJD n’est pas non plus sur le terrain », souligne le politologue Mohamed Tozi. Le parti, au pouvoir dans les mairies de province, Meknès, Khénifra et Temara, a une assise urbaine.

Son audience répond à une « quête de rationalisation de la conduite par la religion », poursuit M. Tozi. Il y a une demande de consommation et en même temps une recherche de cohérence avec les valeurs islamiques d’une classe moyenne moralisatrice, qui ne se reconnaît pas dans les référentiels occidentaux des couches supérieures. Cette classe moyenne conservatrice et traditionnelle veut profiter des loisirs, pouvoir aller à la plage sans trop de mixité, se rendre dans des restaurants « hallal », faire ses courses dans des supermarchés où l’on ne vend pas d’alcool. Surfant sur la vague, la poupée Fulla, sorte de Barbie version musulmane, avec foulard et tapis de prière, fait fureur, tandis que les produits bancaires islamiques conformes à la Chariâa ont été autorisés début juillet.

Les couches sociales les plus défavorisées sont davantage infiltrées par les partisans islamistes de Justice et Bienfaisance, du cheikh Yassine ; groupe non reconnu par les autorités marocaines.

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