Les nouveaux horizons de la finance islamique

Marchés Tropicaux

Le marché de la finance islamique ne cesse de progresser et devrait atteindre 1 000 milliards de dollars en 2010. L’Afrique est dans la ligne de mire.

Alimentée par la manne pétrolière des monarchies du Golfe, la banque-finance islamique part à la conquête de nouveaux territoires. Après le Moyen Orient et l’Asie du Sud, qui représentent aujourd’hui 80% du marché, l’Europe et l’Afrique du Nord se voient courtiser, à leur tour, pour introduire sur le marché des produits « halal ». De 100 milliards de dollars en 2000, la valeur des actifs de financement islamique, au niveau mondial, devrait être multipliée par 10 à l’horizon 2010. C’est dire si le phénomène ne doit pas être pris à la légère, selon Anouar Hassoune, vice président et senior credit officer chez Moody’s Investors Service à Paris, qui s’exprimait lors du premier Forum africain de la finance islamique, organisé début avril à Casablanca. Les Sukuks (obligations islamiques), notamment, ont connu une croissance de 30% en moyenne par an, ces dernières années. «Ni supercherie ou marketing réussi, ni l’avenir du monde musulman, la finance islamique se situe entre les deux », estime M. Hassoune. Aujourd’hui 90% des actifs du marché « Charia compliant » sont captés par des banques.

En Afrique, le mouvement est timide, malgré l’ouverture de banques précurseurs dans les années 80, au Niger (BINCI), en Guinée-Conakry (BIG) et au Sénégal (aujourd’hui BIS), sous la houlette du trust saoudien Dar-Al-Maal Al-Islami (DMI), basé à Genève. Un trust sulfureux, selon un article du site Bakchich.info, publié en février 2007. Aujourd’hui, en Afrique, 37 banques islamiques ont pignon sur rue ; un chiffre dérisoire eu égard aux 920 millions d’habitants qui couvrent le continent, dont la moitié de confession musulmane.

Au Maroc, le lancement de produits « alternatifs », pour ne pas reprendre la terminologie islamique, est récent, six mois environ, et très loin de rencontrer un franc succès. «Les produits bancaires islamiques sont plus chers que les produits conventionnels », reconnaissent les établissements marocains. L’interdiction de l’usure et la répartition des risques entre créditeurs et débiteurs, tels que prôné par le Coran, amènent à multiplier les opérations techniques d’achats et de reventes, et multiplient d’autant les droits d’enregistrement, la TVA, les frais de fonctionnement, etc. Dans le Royaume, trois opérations sont autorisées, inspirées d’Ijara (forme de crédit locatif), de la Moucharaka (association entre banque et opérateur pour investir dans un projet) et de la Mourabaha (forme de vente à crédit). La Banque centrale, Bank Al-Maghrib, refusant l’installation de banques islamiques sur le territoire marocain. Si Attijariwafa Bank a été la première banque marocaine à s’engouffrer dans la brèche, bientôt suivie de BMCI, de BMCE Bank et du groupe Banques Populaires, d’autres établissements observent le marché local avec intérêt, mais aussi circonspection. La SGMB, filiale du groupe français Société Générale, à l’instar de Cetelem, y voit un marché de niche. « Nous regardons les opportunités, afin de compléter notre offre, au Maroc, mais également en Algérie, en Tunisie et en Egypte (…) Pour autant, notre positionnement reste défensif », indique Karim Chouchane, responsable de la finance islamique, auprès du groupe Société Générale à Paris. Même son de cloche du côté de Cetelem, filiale de BNP Paribas, pour le crédit automobile notamment. «Outre le fait que le produit islamique soit un peu plus onéreux, la difficulté c’est que toute la chaîne doit être Charia compliant. Cela vaut pour le crédit voiture, l’assurance, le refinancement, etc. D’où peut-être des réticences des clients», souligne un cadre de Cetelem Maroc. Et le principal risque d’une banque ou d’un produit islamique  c’est précisément « de ne pas être suffisamment islamique», estime Anouar Hassoune. D’où l’apparition de Charia Board, animés par des théologiens et chargés de veiller au contrôle de la conformité islamique. A Bahrein, l’AAOIFI (Accounting and Auditing Organization for Islamic Financial Institutions) fait aujourd’hui figure de référence mondiale.

A contrario du Maroc, les banques islamiques ont droit de cité en Algérie. Al Baraka, qui opère depuis 1991, compte 120 000 clients. « Néanmoins, elle est la seule banque à travailler aujourd’hui selon les principes de la Charia (…) une autre banque attend son agrément pour opérer », indique Nasser Hideur, directeur juridique d’Al Baraka. Au Soudan, les banques islamiques sont particulièrement actives. L’Afrique ? Kuwait Finance House Bahrain (KFH) y pense. « Rien de sûr, mais l’idée serait de lancer un fonds private equity pour financer des projets d’infrastructures sur le continent », explique Samir Ali Aftis, chargé du développement de fonds Asset Management. Les Africains seront-ils sensibles à la dimension symbolique des produits islamiques ? « Ce que nous cherchons, ce sont des financements (…)», explique Sakho Ndiouga, directeur général de la Société sénégalaise d’aménagement touristique Sapco. Et que ces financements soient islamiques ou pas, là n’est pas la question.

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