L’Union européenne révise sa stratégie industrielle

Enjeux

La pandémie de Covid-19 a obligé la Commission européenne à réviser sa copie pour une politique industrielle plus volontariste et résiliente concernant les secteurs clés de la transition écologique et numérique, dès avant la guerre déclenchée en Ukraine. Au-delà même de la nouvelle stratégie présentée en février, la Commission entend adopter une position plus ferme sur les normes essentielles et accélérer leur adoption.

La pandémie de Covid-19 a chamboulé l’agenda et les priorités économiques de l’Union européenne. Parmi les changements de cap de ces derniers mois : la révision en mai 2021 de la toute dernière stratégie industrielle européenne adoptée un an plus tôt seulement, en mars 2020. Pour l’UE, il s’agit de tirer les enseignements de la crise pour tenir compte des vulnérabilités mises à jour et de construire un marché unique plus solide afin de soutenir la reprise en Europe.

L’Europe vise aujourd’hui une plus grande autonomie stratégique dans les chaînes de valeur et souhaite rendre son industrie plus durable, numérique, résiliente et plus compétitive à l’échelle mondiale. Car dans certains domaines, le marché unique a été mis à l’épreuve. Des frontières ont été fermées, des chaînes d’approvisionnement interrompues, des prestataires et des travailleurs dans l’incapacité de se déplacer à travers l’Europe, avec pour corolaire la flambée des prix du fret aérien et du transport maritime. La libre circulation des personnes et des services en somme a été mise à mal.

Pour le président de la Commission consultative des mutations industrielles (CCMI) du Comité économique et social européen (CESE), Pietro Francesco De Lotto, la pandémie de COVID-19 a accéléré de nombreux processus qui étaient déjà en cours : « La mise à jour de la stratégie industrielle est une bonne première étape (…) La rapidité avec laquelle la société et l’industrie ont dû adopter des processus numériques au cours des derniers mois est sans précédent et les changements que nous avons connus ont été révolutionnaires, d’abord avec les chaînes d’approvisionnement, puis avec les équipements médicaux et ensuite avec les vaccins ».

Cartographie des dépendances

Dans un premier temps, cette nouvelle stratégie industrielle doit permettre de mettre en place une cartographie des dépendances mais aussi des capacités stratégiques européennes, qu’elles soient d’ordre technologique ou industriel. En réponse à la demande du Conseil européen, la Commission a en effet effectué une analyse à partir des données sur les échanges, qui montre l’ampleur des questions en jeu.

Sur les 5 200 produits importés dans l’UE, l’analyse en recense 137 dans des écosystèmes sensibles pour lesquels l’Union est fortement dépendante (représentant 6% de la valeur totale des importations de biens), principalement dans l’écosystème des industries à forte intensité énergétique, telles que les matières premières, et dans celui de la santé (comme les principes pharmaceutiques actifs), ainsi que pour d’autres produits importants pour les transitions écologique et numérique. Environ la moitié des importations de ces produits dépendants proviennent de Chine, suivie du Vietnam et du Brésil.

Pour éclairer sur l’origine des dépendances stratégiques et leurs enjeux, la mise à jour de cette stratégie industrielle relève six domaines stratégiques nécessitant un examen approfondi : les matières premières, les batteries, les principes pharmaceutiques actifs, l’hydrogène, les semi-conducteurs et le cloud. La Commission envisage ensuite une deuxième série d’examens approfondis des dépendances potentielles dans les énergies renouvelables, le stockage de l’énergie et la cybersécurité.

Pour l’UE, par ailleurs, le soutien aux alliances industrielles dans des domaines stratégiques est clé. Après avoir lancé trois alliances, pour les matières premières (ERMA), les batteries et l’hydrogène, la Commission prépare le lancement des deux alliances dans le domaine numérique, qui avaient déjà été annoncées dans la nouvelle stratégie industrielle et dans la communication sur la décennie numérique : l’alliance pour les processeurs et les technologies de semi-conducteurs et l’alliance pour les données industrielles, la périphérie et le nuage.

Elle envisage également de mettre en place une alliance pour les lanceurs spatiaux qui réunirait tous les acteurs, grands et petits, afin de doter l’Union d’un accès à l’espace compétitif sur le plan mondial, rentable et autonome. Elle souhaiterait enfin initier une alliance pour une aviation à émissions nulles qui préparerait le marché à des configurations d’aéronefs de rupture (fonctionnant à l’hydrogène ou à l’électricité, par exemple), tirant parti des investissements existants dans le cadre de l’initiative Clean Sky et contribuant à l’objectif de neutralité climatique de l’Europe à l’horizon 2050.

Instrument de marché unique pour les crises

Au niveau du marché unique, la Commission propose un instrument pour les situations d’urgence afin de garantir davantage le partage d’informations, de coordination et de solidarité entre les États membres lorsqu’ils adoptent des mesures liées à des crises. Avec notamment l’amélioration de la transparence et de la coordination en matière de restrictions aux exportations et aux services.

L’objectif est aussi de mettre en place un mécanisme permettant à l’Europe de remédier aux pénuries de produits essentiels en accélérant la disponibilité des produits, avec par exemple l’évaluation accélérée de la conformité, et en renforçant la coopération en matière de marchés publics.

La surveillance du marché est également apparue essentielle avec la hausse du nombre de produits non conformes et dangereux. Le cas pour certains équipements de protection individuelle et dispositifs médicaux à forte demande. Pour l’UE, il convient donc d’accélérer la numérisation des inspections de produits et des collectes de données ainsi que l’utilisation de technologies de pointe pour repérer les produits non conformes et dangereux, et améliorer la traçabilité et le contrôle des produits commercialisés. La crise a également démontré l’importance du commerce électronique et du besoin d’établir des règles communes.

Normes prioritaires essentielles

Côté normes, l’UE entend avoir une position plus ferme et asseoir son leadership concernant des normes prioritaires essentielles pour assurer la double transition écologique et numérique. Ces normes prioritaires portent sur l’hydrogène, les batteries, l’énergie éolienne offshore, les produits chimiques sûrs, la cybersécurité et les données spatiales. Il s’agit aussi d’accélérer l’adoption rapide des normes jugées essentielles.

La Commission pourrait également pousser en faveur d’une proposition législative pour réglementer les services aux entreprises reposant sur des normes harmonisées, permettant de fixer des exigences techniques, des niveaux de qualité, de performance, d’interopérabilité, de protection de l’environnement, de protection de la santé ou de la sécurité.

Les services aux entreprises, ingénierie, architecture, technologies de l’information et services juridiques, représentent près de 11% du PIB de l’UE et sont des facteurs de compétitivité essentiels pour les entreprises. Pourtant, ils sont freinés par des règles nationales restrictives telles que des exigences strictes en matière d’admission et d’exercice. Les normes européennes relatives aux services ne représentant que 2% de l’ensemble des normes.

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